Utopia - Bilan saison 1

Il y a les séries qui divertissent, qui amusent en restant bien dans les clous, sans provoquer, sans choquer, sans donner matière à réflexion. Il y a ces séries là. Et puis il y a les autres, celles qui portent un message en elle, qui donnent à réfléchir et qui ne sont pas juste là pour engranger les contrats publicitaires. Utopia fait indéniablement partie de la seconde catégorie.

L'histoire, c'est la fuite en avant de quatre personnages qui ne se connaissaient pas (ou à peine) et qui se retrouvent impliqués dans des événements qui les dépassent complètement. Utopia, c'est surtout ce comics, The Utopia Experiment que ces personnages suivent assidûment, et qui se trouve être au coeur de tout.

De prime abord, le show peut sembler classique voire basique, rappelant les grandes heures de la télévision, avec une histoire proche du Fugitif et des idées assimilables à Heroes (le comics et l'importance qu'il a dans la série) par exemple. Mais s'arrêter à ces simples aspects serait une grossière erreur. Le show va bien au delà pour déboucher sur une pensée jusqu'au boutiste rarement égalée à la télévision.

Alors pour digresser un peu, il convient de rappeler que Utopia est une série anglaise, diffusée par Channel 4 et produite par Endemol. La série anglaise est sûrement le vivier le plus créatif actuellement sur la scène sérielle mondiale, il suffit de voir des shows comme Black Mirror, Doctor Who ou les séries de Ricky Gervais (Derek, Life's Too Short etc...) pour s'en convaincre. Bien sûr, certaines créations américaines sont au-dessus de la mêlée également, mais là où la production anglaise prend le dessus, c'est sur le statut du showrunner, concept abstrait s'il en est.
En revenant sur Utopia, Dennis Kelly, le créateur et scénariste du show est réellement le maître à bord. On sent son emprise sur tous les aspects de l'histoire, ce qui donne également ce côté jusqu'au boutiste de la chose. Je parlais également des diffuseurs (Channel 4) et producteurs (Endemol ou en tout cas une de leur filiale), qui ont rarement l'occasion d'être associés à des projets de cette teneur. On se retrouve donc ici face à un modèle non pas unique, mais quasi exclusif à la production britannique.

Pour reprendre le cours de la série, Utopia brasse donc une multitude de thématiques, qui vont du rapport aux oeuvres de la pop culture (les fans et le comics) en passant par la surpopulation, la manipulation de masse, la génétique ou encore l'ultraviolence, sans pour autant avoir une bouillie de références devant les yeux. La maîtrise est telle qu'on sent la cohérence jusque dans le visuel, qui reprend les obsessions des différents personnages et qui prouve, si besoin est la qualité d'écriture en oeuvre.

Je parle du visuel, car le traitement de l'image apparaît dans ce show comme un véritable moteur à la fois scénaristique mais également référentiel, et pas juste comme une obligation fonctionnelle. On n'est pas ici en face d'une histoire ultra construite du point de vue de l'écriture mais sans forme propre. Utopia est un véritable objet de pop culture, où la forme a autant d'importance que le fond. Ainsi, chaque plan, chaque lumière, chaque couleur renvoie aux thématiques développées, et surtout à ce comics, The Utopia Experiment, au centre de tout.

Je ne rentrerai pas plus dans le détail concernant les événements traités dans le show, pour laisser aux nouveaux spectateurs le même plaisir que j'ai pu éprouver à suivre ces six épisodes. A peine dirais-je que l'on n'est pas en face d'un show "carte en main", où tout est servi sur un plateau.
La violence explose au regard, peut-être parfois un peu gratuite tant elle semble injustifiée et injustifiable. Certains pourront être rebutés par la longueur voire la langueur qui se dégagent de certains plans, de certaines scènes. Comme je viens de le dire, ce n'est pas une oeuvre facile, en cela elle se rapproche justement de Black Mirror (production anglaise également) dans cette volonté de ne pas épargner le spectateur, de ne pas le prendre pour plus stupide qu'il pourrait l'être. Mais là où Utopia (et Dennis Kelly derrière) réussit à créer une oeuvre unique, c'est qu'au-delà de la gravité du sujet et de la mise en scène du propos, l'humour reste présent. Un humour noir, britannique, qui ose le sourire (et donc l'espoir) face au désespoir et à la fatalité qui imprègnent l'essence du show.

Au final, et en l'état, Utopia est une grand oeuvre, scénaristique et visuelle. Certains évoquent la possibilité d'une seconde saison, qui poursuivrait les thèmes déjà développés, et plus encore. Le show sous cette forme de one shot possède déjà une telle puissance d'évocation que, peut-être, vouloir aller plus loin gâcherait ce potentiel. Dennis Kelly réussit l'exploit d'allier la conspiration à l'anticipation, tout ça dans un récit culturellement contemporain et résolument moderne. En clair, c'est un vrai must seen et s'il ne fallait en garder qu'une cette saison, ce serait celle-ci.

Bilan

Un show au carrefour des genres où les thématiques sont creusées jusqu'au bout, on se retrouve en face d'un véritable bijou, et passer à côté serait une faute de goût, voire une faute tout court.

17 Commentaires

Charlotte
Le 04/03/2013 à 21h48

3 0

Tu m'as convaincu ! Merci pour cette critique ;)
Scalco
Le 04/03/2013 à 21h58

2 1

MAGNIFIQUE série !! Et critique par la même occasion ;)
Amis Seriesaddict, lancez vous!
barbablack
Le 04/03/2013 à 22h17

1 0

love that show ! love mr rabbit !
dimitri
Le 04/03/2013 à 22h30

3 0

Ah Julien, qu'est-ce que tu m'as fait plaisir avec ton excellente critique!!!
Tu as réussi l'exploit de résumer à merveille ce show hors normes (et sans spoiler), un O.T.N.I (objet télévisuel non identifié), dans la lignée de l'ÉNORME Black Mirror, si les lecteurs ne sont pas motivé par ta critique c'est à désepérer...en tous cas, chapeau Julien! Ils sont trop forts ces anglais.Amis de seriesaddict, vous savez ce qu'ils vous restent à faire.
dimitri
Le 04/03/2013 à 22h41

2 0

mon correcteur d'orthographe me glisse dans l'oreillette que j'ai commis quelques fautes d'inattention: je corrige donc: "désespérer "et aussi, "il vous reste" !! voilà c'est fait.
Solan
Le 04/03/2013 à 22h51

2 0

Merci d'avoir aidé à faire connaître ce show incroyable qui m'a complètement bousculé dans ma manière de percevoir les séries. Honnêtement, les TV shows américains ne sont vraiment plus à la hauteur entre Utopia et Black Mirror. Quelque chose se passe en Angleterre en ce moment, et c'est vraiment super intéréssant de voir leurs productions artistiques
Solan
Le 04/03/2013 à 23h06

0 0

Cela dit, par rapport à la critique, juste un bémol sur cette phrase : "La violence explose au regard, peut-être parfois un peu gratuite tant elle semble injustifiée et injustifiable." Au final, même les scènes de violence paraissant à première vue gratuite ont une utilité essentielle au show : en choquant le personnage et à travers lui, le spectateur, elles montrent la progression psychologique des protagonistes et aident parfaitement à saisir leur psychologie. Dans Utopia, me semble-t-il, tout est affaire d'échos, faisant ainsi ressortir la dualité qui est le propre même de cette série. J'm'emballe sûrement, mais ça me fait vraiment plaisir de la voir appréciée à sa juste valeur. J'espère toutefois que cela ne les poussera pas à faire une seconde saison, car comme tu l'as si bien dit Julien, avec ce format one shot, la série dispose d'une "formidable force d'évocation" pour reprendre tes mots, et marque les esprits durablement pour que l'on ne prenne le risque de ternir une telle consécration, selon moi .
Peter Noble
Le 05/03/2013 à 00h25

0 0

Super critique! J'ai fini de voir Black Mirror ce week-end et maintenant quelque chose d'aussi puissant existe... Je signe tout de suite ! Merci pour la découverte ! :-D
alanthyr
Le 05/03/2013 à 07h20

0 0

Je viens juste de voir les 5 premières minutes du pilot ... merde !!! faut que j'aille bosser ...
Ouioui
Le 05/03/2013 à 10h47

0 2

Perso j'ai trouvé cette série intrigante au début et finalement extrêmement alambiqué pour un fond d'histoire plutôt simplon et ennuyeux (je ne spoilerai pas l'intrigue pour ceux qui ne l'ont pas vu.) Le coté "Incassable " donne l'illusion de la nouveauté, surtout avec l'emballage looké Instagram . Mais vu le niveau d'analyse de certains coms certains y ont vu des choses...C'est l'avantage des scénars tordus et des fonds flous.
entropia
Le 05/03/2013 à 14h35

2 10

Ca a vraiment l'air de merde en conserve ce show!
julien
Le 06/03/2013 à 15h38

4 2

j'aime les critiques constructives comme la tienne @entropia
jpp
Le 06/03/2013 à 19h30

2 1

@ entropia c est rien comparé a celle que tu as entre les 2 oreilles
Tey
Le 06/03/2013 à 21h08

0 0

.. Bon j'ai visionné les six ép... et c'est de la BOMBE !
On croirait regarder un film à chaque ép, la photographie est vraiment magnifique, la BO est très anglaise mais colle fantastiquement avec l'ambiance de la série. Halala à part regarder mes petites news et les spoilers du dimanche, c'est pour ça que j'adore SA, j'ai découvert une série grandiose, une de plus grâce à vous ! merci ;)

Seul petit bémol, le fond de la trame un peu pareil que 20th Century Boys, mais ce n'est qu'un détail. ( un livre/des dessins, conspiration etc)
PingouinBishop
Le 07/03/2013 à 11h35

3 0

Super série qui rend parano à souhait. Chaque personnage suit ses propres intérêts et on va de twist en twist. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que la découverte "du secret" (difficile de s'exprimer correctement sans spoiler) dégonfle tout le mystère qui s'est construit autour de lui jusqu'ici, au contraire je le trouve très ancré dans les problématiques actuelles. Ca change des illuminati et autres facilités conspirationnistes resucées que l'on voit partout.
Il y a définitivement un visuel londonien voire brittish qui change du visuel léché et aseptisé de certaines séries américaines. Certains ont dit que ça ressemblait à BlackMirror (que je n'ai pas vu) mais cela me fait penser aussi à Luther, à Sherlock voire à 28 days later qui se passe à Londres et dans cette Angleterre campagnarde avec ses grands manoirs inquiétant.
Il faut oser le dire, depuis le début des années 2010 les Britt ont pris le pouvoir sur les séries et sont ceux qui proposent le plus d'innovation et leur format court permet une plus grande qualité scénaristique. On peut faire la comparaison avec The Following qui vient de démarrer sur la fox. Kevin Bacon voulait un format resserré pour en faire une série de grande qualité à la fois au niveau de la scénarisation et au niveau du reste (peut-être voulait-il s'inspirer du modèle anglais). Au final on a une série bonne, presque tout juste moyenne qui reprend des ficelles bien connues et les défauts des drama des network américain).
oN vit une époque sombre et les anglais l'ont bien compris, à la différence que chez eux personne n'est épargné, cela peut tomber sur n'importe qui à n'importe quel moment et ce de 7 à 77 ans.
Une saison deux être souhaitable car je pense qu'on a tout juste commencé à gratter le tip de l'iceberg du network et tous les fans méritent some closure!!
Cylo
Le 09/03/2013 à 12h01

0 0

Pour moi c'est la meilleure série british depuis Luther !
centaure222
Le 13/09/2013 à 13h48

1 0

eh les gars, hormis BRAQUO (saison 1 surtout) les frenchies ne font plus grand chose
surtout quand on voit les moyens pour faire UTOPIA , c à dire 3Xrien car pas beaucoup d'effets spéciaux ou de cascades explosives et qu'on nous impose LOUIS LA BROCANTE et SOEUR MACHIN.COM
où va notre redevance audio ?????

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Note de la série :
9.3/10

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