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Seriesaddict.fr  par | 4

True Detective - 2x6 : Church in Ruins

Résumé

Alors que Franck continue d’enquêter de son coté et que Ray doit gérer la réapparition du violeur de sa femme, Paul poursuit la piste des diamants et Ani infiltre les grandes fêtes de la haute société californienne.

2x6 : Church in Ruins © HBO-2015

Au risque de me répéter, et au risque aussi d’aller contre tous ceux qui tapent sur cette saison par rapport à la première, je suis de plus en plus convaincu que cet opus Angelinos est lié, certes pas directement mais par un même spectre thématique, au premier chapitre qui nous a fait parcourir les bayous de Lousiane.

L’un des principaux reproches qui avait été lancé, notamment après son final, contre la saison 1 de True Detective, était de n’avoir fait qu’effleurer la grande conspiration qui avait pris forme dans les documents amassés par Rust Cohl, tout le versant politique et religieux des meurtres en masse de jeunes filles, dont le tueur en série n’était que la partie émergée. Cette saison 2 prend le contre-pied total de la première, tant l’enquête est orientée sur les collusions entre les hautes sphères de la société. La scène d’orgie finale le montre bien, puisque l’on retrouve presque tous les pontes aperçus ça et là depuis le début de la saison. Alors bien sûr, cette saison 2 n’est pas exempte de défaut, elle pèche notamment par la construction de ses personnages – hormis Velcoro, mais j’y reviendrai – et notamment par un manque de différenciation entre eux. Ils sont tous bâtis dans le même bois, luttant contre les fantômes de leur passé, comme paralysés par quelque vision qui les hante. Là encore je renouvelle un constat déjà posé précédemment mais je pense qu’il aurait fallu plus de diversité, ou alors moins de personnages, car il est difficile de développer de manière complète quatre personnages principaux sur un si petit nombre d’épisode, en plus avec une intrigue dont les ramifications sont gigantesques.

Néanmoins, je sais gré à Nic Pizzolato de tenter des choses, de jouer avec les codes du genre. Ce n’est pas toujours réussi, mais cette audace offre parfois de très bonnes choses, des scènes marquantes, et c’est encore le cas dans cet épisode. Pour commencer (au sens propre comme au sens figuré), la scène de face à face entre Ray et Franck est vraiment réussie. L’alchimie entre les deux acteurs est bonne et transparait sur les deux personnages, qui se respectent, s’apprécient même, mais qui ont été tant de fois trahis qu’ils ne peuvent se permettre de se laisser adoucir même par l’un des rares « amis » qu’il leur reste. Quelques bonnes lignes de dialogue, une vraie tension, la tête de Vince Vaughn au sortir du lit, tout cela donne à ce face à face autour d’une table en formica une saveur toute particulière, à la fois très sérieuse, intense, et pourtant décalée.

Deuxième point important de cet épisode, la poursuite du développement des personnages. Le personnage d’Ani révèle elle-aussi, durant la fameuse scène d’orgie, la blessure de son passé. Il semble bien qu’elle ait été abusée lorsqu’elle était jeune. Je dois avouer que je n’ai pas complètement compris qui était l’homme, mais dans les deux cas, cela explique – certes un peu grossièrement – sa rancœur vis à vis des hommes en général, et surtout vis à vis de son père, car l’homme en question, cheveux longs et style hippie, appartenait clairement à la communauté dirigée le paternel. Le père, cette figure absente mais tellement présente dans cette saison. Le père de Paul cruellement absent, celui d’Ani donc, mais aussi le père de Franck et sa propre paternité avortée, qu’il comble lors d’une très belle scène aux cotés du fils de Stan. Et évidemment, la paternité de Ray Velcoro, personnage que l’on voit osciller entre les clichés de l’alcool et de la coke et la vraie torture qu’est cette femme qui scrute chacun de ses mouvements lorsqu’il est avec son fils. Colin Farrell fait de l’excellent boulot dans cette saison. Certes, Velcoro est moins flamboyant que Rust Cohl, pas de métaphysique, pas d’existentialisme sartrien chez lui. Juste de la souffrance, de la chair à vif et un renoncement digne d’une tragédie grecque : il est prêt à ne plus voir son fils pour que son ex-femme ne lui dise pas qui est son vrai père. Renoncer à la paternité dans les faits pour garder la paternité dans l’esprit, y a-t-il quelque chose de plus triste que cela ?

Dernier point de cette critique, la fameuse scène d’orgie. Attendue par tout le monde, soigneusement teasée (pardonnez l’anglicisme) par HBO, celle-ci étonne par sa sobriété. Bien sur, on voit quelques scènes de sexe, quelques corps dénudés, mais l’état dans lequel la voit et la vit Ani, droguée, et donc dans lequel nous la voyons et la vivons, rend tout cela entre l’onirique et le cauchemardesque, notamment par l’apparition du passé de la jeune flic, mais également par cette espèce de contentement général de ces huiles californiennes, « those motherfuckers » comme dit Ani. Un contentement dégoutant incarné par cet homme que l’on voit « simplement » regarder et se masturber. Certes nos personnages, nos « héros » ont des problèmes, des blessures, mais cela n’est rien par rapport à la pourriture qui ronge ces hommes de pouvoir (la même qui rongeait les hommes de pouvoir de la Louisiane de la saison 1). En outre, détails que je n’ai pas vu souvent mentionné dans les recaps de l’épisode, j’ai trouvé la musique utilisée dans toute la scène très étonnante et très bien choisie. Toute la séquence semble sortir d’un autre temps, d’un film noir à la Hitchcock, à la De Palma, les violons, les cuivres lancinants sont en décalage avec ce que l’on voit et pourtant fonctionnent à merveille. Encore une belle audace de la part des créateurs, pour clore un épisode qui, dans la continuité de la seconde partie de saison, ne fait pas tant avancer l’intrigue (quoique la fin risque d’accélérer les choses) mais continue de m’hypnotiser.

8/10

Bilan

Encore un bon épisode, toujours dans ce style lent et étonnant de cette saison 2, mais avec des traits d’audace qui, même s’ils ne sont parfois pas totalement maitrisés, valent le coup d’être vus.

4 Commentaires

  • dune
    Le 31/07/2015 à 14h38

    Très belle analyse, je suis également toujours sous le charme de cette deuxième saison.

  • PingouinBishop
    Le 31/07/2015 à 16h19

    Ditto

    Colin monte en puissance dans cet épisode ♥

  • TedMosby
    Le 01/08/2015 à 01h26

    Je suis content que tu fasse le raport avec de Palma pour cet épisode car moi-même etant fan de ce réalisateur ça m'a frappé direct... En tout cas jusqu'a présent rien a redire sur cette saison que je trouve excellente et la musique fait clairement beaucoup dans l'ambiance général de la série.

  • Toff63
    Le 05/10/2015 à 11h58

    Cette saison 2 a un peu tardé à démarrer mais depuis 2-3 épisodes elle est bien lancée et progresse encore et encore à chaque épisode. Je crois qu'il faudra juger les premiers épisodes à la fin et on verra sûrement que tout a un sens précis et on comprendra mieux certains choix de départ.
    En tout cas, cet épisode est un enchaînement de scènes très réussies, que ce soit la partouze, la confrontation Ray-Frank, le choix de Ray vis-à-vis de son fils, la douloureuse épreuve d'Ani, les démons addictifs de Ray ou bien le retour aux affaires de Frank, capable de se montrer intransigeant (scène des clous) mais aussi naïf (avec les mexicains) dans un milieu où il n'a plus toutes ses habitudes. Je trouve que Vince Vaughn (tout comme Colin Farrell d'ailleurs) est meilleur au fil des épisodes, c'est vrai que sa tête fatiguée au saut du lit vaut le détour, au même titre que sa scène avec l'enfant de Stan.

    J'ai vraiment été scotché par cet épisode, le meilleur de la saison jusque-là, et la suite s'annonce encore meilleure. 9/10

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Note de la série :
9.4/10